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Histoire de la Colline de Bourlémont

Il n'a pas fallu attendre la renommée de Le Corbusier et cette fabuleuse chapelle pour que la colline de Bourlémont soit un lieu de pèlerinage.

En effet l’autel de Bourlémont est depuis fort longtemps un lieu de culte dédié à la vierge Marie.

En 1751, l'Eglise paroissiale s'élevait sur la colline de Bourlémont. Elle existait déjà au XIème siècle. L'autel de Bourlémont fut donné en 1092 à l'abbaye de St Vincent de Besançon à qui la possession fut confirmé en 1134 par l'archevêque Humbert. On a tout lieu de penser qu'elle était très ancienne et qu'un oratoire dédié à la Vierge Marie succéda à un lieu de culte païen élevé sur cette hauteur. C'est certainement pour cette raison que l'Eglise paroissiale s'élevait dans un endroit aussi malaisé. Longtemps soucieuses de maintenir une tradition, les quatre communautés composant la paroisse avec Ronchamp, Mourière, le Rhien, la Selle et Recologne, s'opposèrent à la translation de l'église paroissiale dans le bourg.


L'archevêque de Besançon ordonna en l737, de faire bâtir dans l'endroit plus convenable du village, une nouvelle église, au vue de l'état ruineux de l'ancienne et sa situation sur la montagne impraticable une grande partie de l'année. Retrouvant sa première vocation de chapelle mariale, tout en cessant d'être paroissiale, l'ancienne église resta lieu de pèlerinage et de dévotion à la Vierge. On a écrit à tort qu'elle fut désignée sous le nom de Notre-Dame du Haut. Mais la ferveur populaire l'avait baptisée ainsi longtemps auparavant.


Au XIIIème siècle déjà le pèlerinage attirait également des foules certains jours de l'année. Ceci donnait l'occasion de faire des foires et des marchés.

L'objet de la vénération des fidèles pèlerins était et est encore une statue de la Vierge d'environ 1, 30 m de haut sculptée dans un bois dur, assez bien conservé. On la date du XIIIème siècle ou du XIV ème siècle.

La tradition porte qu'un habitant de la Cote, esclave parmi les Turcs fut condamné à mort et que la nuit de la veille qu'il devait subir son supplice, il voua à la Notre Dame de cette Chapelle. Il s'endormit dans la pièce et le lendemain à son réveil, il se trouva devant la porte de cette église avec les fers à ses pieds. Elle datait vraisemblablement du XlVème ¬siècle, car on trouva une pierre portant le millésime 1308 lorsqu'on la démolit en 1844 pour la remplacer par une chapelle plus modeste.

En 1789, le gouvernement ordonna la mise en vente de la chapelle mais les gens de Ronchamp décidèrent de la racheter. L'affaire fut traitée et la somme nécessaire recueillie par souscription à laquelle prirent part environ 180 familles de la commune, Il ne s'agissait à cette époque que de l'ancienne petite chapelle telle qu'elle fut édifié à son début. 45 familles de Ronchamp rachetèrent en 1792, la chapelle vendue à un luxovien.

En 1844, l'Abbé VAUCHOT curé de Ronchamp décida de reconstruire la Chapelle du haut devenue ruineuse, une partie fut conservée afin d'éviter tous sacrilèges et l'autre fut remplacée. Mais en août 1913, la foudre frappa la chapelle et détruis presque tout sauf le Saint Sacrement, la Madone et la petite Chapelle, mais Notre Dame du Haut n'a pas été épargné, il n'en restait plus rien, de l'abri du pèlerin, qui avait été reconstruit par l'Abbé, n'était ce pas la punition divine !

 

On ne manqua pas à l'époque de voir dans cet événement, le signe de la malédiction de Notre Dame du Haut et on prédit que celle ci se reporterait sur la nouvelle chapelle reconstruite entre 1922 et 1927, dans un style néobysantin.

 

 

Fin septembre 1944, la bataille de Ronchamp fit rage sur trois secteurs, Magny d'Anigon, Eboulet et la Chapelle Notre dame du haut, de ce faite puisque le sort en avait décidé ainsi, elle fut en partie détruite durant les furieux bombardements.

 

Les combats de la libération de 1944 1945 avaient anéanti quelques lieux de culte dans notre diocèse, notamment la Chapelle Notre Dame du Haut. C'est pourquoi l'archevêque de Besançon, Mgr Dubourg, mis en place une nouvelle Commission d'Art Sacré.


LE CORBUSIER ET LA CHAPELLE DE RONCHAMP

Divers projets conformistes furent rejetés par la Commission. C'est en 1951, que François Mathey suggèra alors timidement un nom: Le Corbusier. Cet architecte était très contesté à l'époque, cela déclencha donc de violentes polémiques avant, pendant et après les travaux.

La gestion de cette Chapelle est exemplaire et tout à fait révélatrice du travail de la Commission car elle est véritablement le fruit des dialogues entre l'abbé Ledeur et l'architecte Le Corbusier: il fallait le décider à travailler pour l'Eglise alors qu'il se montrait très hostile à cette institution théologique ; la notion de pèlerinage, la spiritualité mariale, toutes choses inconcevables pour un protestant! Alfred Manessier et François Mathey témoignèrent de ce long travail de « Fécondation ». Celui ci fut attiré et séduit par le cadre et décida d'y édifier la Chapelle dans le style d'architecture moderne.

Notre belle Chapelle donne toujours sur Ronchamp et ses Hameaux. Et c'est des milliers de visiteurs qui chaque année viennent contempler cette oeuvre unique, ou y célébrer les différents pèlerinages religieux (celui du 8 septembre).

Quand Le Corbusier vint enfin sur place, en juin 1950:

« Il avait été visiblement conquis par le site, par ce contraste exprimé d'ailleurs dans son architecture, entre le talus des Vosges et la grande ouverture sur le Jura, sur la plaine de la Saône, jusqu'au plateau de Langres ; j'ai eu l'impression qu'il avait accroché immédiatement, rapporte le chanoine Ledeur qui l'accompagnait. »

Emporter l'adhésion de la Commission ne fut pas non plus chose aisée et ce fut une réunion mémorable que celle du 20 janvier 1951 au cours de laquelle furent approuvés les plans de Ronchamp mais aussi les dix sept esquisses de Léger et la maquette d'une mosaïque de Bazaine pour le Sacré Coeur d'Audincourt, Le père Couturier salua dans la revue L'Art sacré le courage et l'audace de cette commission dès lors montrée en exemple.

L'INAUGURATION DE L'OEUVRE DE LE CORBUSIER

4 avril 1954 ! Ce dimanche comptera dans l'histoire de la petite cité minière et laborieuse de Ronchamp.En effet, poursuivant la série des manifestations grandioses et solennelles, Ronchamp avait pris, dimanche 4 avril, un air de fête à l'occasion de l'inauguration de l'Abri du Pèlerin, de la Maison du gardien et de la pose de la pierre de fondation de la nouvelle Chapelle Notre Dame du Haut.

De nombreuses banderoles brodées aux armes de la cité portaient les mots « Bienvenue à nos hôtes ». Une grande animation régnait dans les artères et la gendarmerie due assurer durant tout l'après midi le service d'ordre et ne laisser monter au sommet de la colline de Bourlémont qu'un nombre restreint de voitures.

L'inauguration, rehaussée par la présence du célèbre architecte Le Corbusier, devant avoir lieu sur la colline de Bourlémont, c'est là qu'en foule, pèlerins et touristes se rendirent, bravant la boue et les difficultés des chemins pour accéder au sommet. Il est vrai que la clémence du temps fut pour une large pan dans cette influence. Les uns se promenaient en simple curieux, où se vendaient des souvenirs, ou encore admiraient le magnifique panorama se déroulant à leurs pieds.

L'OFFICE RELIGIEUX

A 15 heures, au pied de l'autel édifié devant la chapelle provisoire, Mgr Béjot, vicaire capitulaire, célèbre un office religieux, assisté de M.Chanoine Belleteix, archiprêtre de Lure. Auparavant, M. Alfred Morey, membre du Comité de la Société Immobilière de Notre Dame du Haut, prend la parole pour souhaiter la bienvenue de Mgr Béjot. Il retrace en quelques mots l'histoire de la Colline de Bourlémont qui est depuis fort longtemps, un. lieu de pèlerinage et touristique où les fidèles viennent adorer et invoquent Notre Dame du Haut. La chapelle, détruite en 1913, fut reconstruite par le chanoine Belot de 1922 à 1926. C'est un point de ralliement, d'union entre les vallées qui forment Ronchamp. Mgr Béjot rappelle que Mgr Dubourg, la veille de sa mort, a invoqué Notre Dame du Haut. Il demande aux fidèles, massés devant la chapelle provisoire, de prier pour les chrétiens persécutés chez certains peuples. Puis, c'est la récitation du chapelet et la bénédiction du Saint Sacrement.

A L'ABRI DU PELERIN

Vers 16 heures, les personnalités présentes et l'assistance se réunissent devant l'Abri du Pèlerin, qui doit être inauguré. M. Canet, secrétaire trésorier de la Société Immobilière de Notre Dame du Haut, souhaite la bienvenue à Mgr Béjot, M le Préfet de la Haute Saône et à toutes les personnalités et pèlerins venus assister à cette cérémonie, et déclare qu'il est heureux de les accueillir. M. Canet, au nom de la société remercie l'administration pour la sollicitude dont elle a fait preuve, pour que prenne forme le grandiose ensemble architectural conçu par Le Corbusier. Ronchamp n'est pas une ville mourante mais un pays plein d'activité, dont l'avenir sera peut être difficile, mais néanmoins plein de réalisations et de promesses. Il est heureux de voir que les autorités religieuses ont choisies Ronchamp pour placer une des plus marquantes oeuvres de l'Art Sacré moderne.

S'adressant à M. Le Corbusier, M. Canet rend hommage à l'artiste qui recherche le détail et la perfection. Il le remercie, ainsi que ses adjoints, MM. Wogenski et Maisonnier, M. Quievreux qui s'est spontanément présenté pour accomplir les diverses démarches, les dirigeants de coopérative de Reconstruction, les entreprises Stracchi, Chiclet, Wagner, etc.,. enfin tous ceux qui ont contribué à doter la ville de Ronchamp d'une oeuvre unique au monde, dont elle ne peut que s'enorgueillir. En l'absence de M. Pheulpin, maire de Ronchamp, M. Maire, premier adjoint, succède à l'orateur pour présenter les remerciements de la municipalité à M. le Préfet pour l'aide efficace apportée par lui à cette réalisation, et tous ceux qui y ont travaillé, et dont la date d'inauguration avait été fixée par Mgr Dubourg. Mgr Béjot évoque à son tour le souvenir de Mgr Dubourg dont la pensée est réalisée par cette oeuvre magnifique. Le projet avait suscité de nombreuses controverses car on le considérait comme une « audace » introduite dans la Sainte Eglise. Il loue la collaboration, l'union des Pouvoirs Publics, M. le Préfët M. le Maire de Ronchamp et de son conseil municipal, et du président de la Société Immobilière de Notre Dame du Haut pour mener à bien la tâche qu'ils s'étaient imposée. Cette conception marquera la Renaissance du XXème siècle pour l'Art Sacré, et il forme le voeu qu'elle symbolise également la Renaissance de la Vie Chrétienne.

L'ABRI DU PELERIN: Concept

Puis, M. le Préfet déclare la Maison du Pèlerin ouverte à tous. La maison du pèlerin se présente comme une sorte de blockhaus où la lumière pénètre par des baies de dimensions inégales. L'aération se fait par des ouvertures aménagées dans le mur et fermées par un volet. C'est à l'intérieur que l'esprit est le plus frappé . Rien d'uniforme dans les couleurs ; au contraire, en une heureuse harmonie des teintes, on voit ici une grande plaque jaune, là un mûr peint en rouge, marron ou vert, ou encore le ciment avec ses dégradés de coffrage. On peut dire que ce bâtiment, de même que la maison du gardien sont d'une conception vraiment originale. Tout est prévu pour rendre l'intérieur confortable.

POSE DE LA PIERRE DE FONDATION DE LA CHAPELLE

Cette inauguration est suivie de la pose de la pierre de fondation de la nouvelle chapelle où les travaux sont très poussées. A l'intérieur de cette pierre, placée devant la porte principale de la Chapelle, va être scéllé un parchemin rappelant la présente cérémonie. Le Livre d'Or est signé par Mgr Béjot M. le Préfet, les membres du comité, M. Le Corbusier, les personnalités civiles et religieuses présentes. Puis Mgr l'Evêque le scelle dans la pierre avec le parchemin de la fondation de la première chapelle. Après cette dernière cérémonie, les personnalités se retrouvent à la Maison du Pèlerin où leur est offert un vin d'honneur avant de se rendre à la mairie.

ET APRES SUIVI LA CHAPELLE

Tout au long des travaux et même encore après les polémiques furent violentes, les échos en retentirent jusque dans la presse nationale. Cependant malgré toutes les contestations et les difficultés financières, le chantier pu débuter à l'automne 1953 et la Chapelle fut inaugurée le 25 juin 1955 par Mgr Dubois, nouvel archevêque de Besançon. Elle se présente comme un signal dans le paysage: un pèlerin infirme a* su résumer le dialogue que cette Chapelle entretien avec le site:

" La Chapelle aspire l'espace et l'espace aspire la Chapelle. "

Cette Chapelle est modeste par ses dimensions mais tout à fait surprenante dans ses formes inhabituelles pour une Eglise :

En gravissant la colline le visiteur pense à la proue d'un navire dont l'étrave s'avance vers lui, Le toit évoque les ailes d'un avion,

En s'approchant pour faire le tour, il est alors frappé par la diversité des façades et les formes mouvantes du bâtiment ; en effet mises à part les tours, il n'y a pratiquement que des lignes courbes,

L'esplanade permet d'accueillir les nombreux pèlerins des jours de grande fête : l'auvent abrite le choeur liturgique , une niche ménagée pour l'antique statue de la Vierge en bois polychrome permet de l'orienter selon les besoins vers l'extérieur ou vers le nef intérieur,

De dimensions modestes et ménagée entre le mur et la tour, la porte d'entrée dont le décor fut dessiné par le Corbusier, suggère le thème de la grotte.

L'intérieur surprend tout autant : la grande nef éclairée par les ouvertures ménagées dans le mur sud est
« un lieu d'ombre vivifié de lumière enrichie de quelques signes et couleurs vives » que constituent
les vitraux, dessinés aussi par Le Corbusier. Elle peut accueillir deux ou trois cents personnes tandis
que les chapelles, véritables puits de lumière, sont propices à la méditation et au recueillement des petits groupes.

Le Corbusier prononça ces quelques mots lors de l'inauguration: • Excellence,

• En bâtissant cette Chapelle,j'ai voulu créer un lieu de silence, de prière, de paix, de joie intérieur...

• Excellence, je vous remets celte Chapelle de béton loyal, pétrie de témérité peut être de courage certainement... »

A lire également :

Histoire de la Chapelle de Ronchamp, la Colline Notre-Dame du Haut.

Histoire de la Chapelle de Ronchamp, La Fondation Le Corbusier.